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Parce que la maison est un abri, un lieu intime, parfois un miroir, mais aussi un lieu d’inspiration et de ressources, aujourd’hui je vous emmène dans la Case de Philippe Bihouix.
Philippe est un ingénieur passionné par la question des matériaux et des low-techs.
Ensemble on parle des impacts du secteur de la construction sur notre environnement et des solutions qui émergent pour loger l’humanité toute entière sur une planète aux limites finies.
Conscient de la complexité du sujet, il propose une approche rationnelle sans dogmatisme mais avec pédagogie et lucidité sur les dynamiques en cours et les enjeux à venir.
Gisements disponibles, matériaux bio et géosourcés, recyclage, smart city, ville dense et habitat autonome, il détaille ces sujets chiffres et exemples à la clé.
Un grand merci à Philippe pour ce partage éclairant et ce regard à 360° sur ce qu’impliquent nos façons d’habiter aujourd’hui pour les générations futures.
Je vous souhaite un très bon épisode !
Notes de l’épisode
Pour contacter Philippe :
Les ressources mentionnées dans l’épisode :
- Auteurs : François Partant, Gilbert Rist, Nicholas Georgescu-Roegen, Ivan Illich
- Les livres écrits ou co-écrits par Philippe : L’âge des Low-Tech, La Ville Stationnaire, Ressources (BD), Le bonheur était pour demain
- Livre préfacé par Philippe Bihouix : Les clés du confort thermique écologique par Claude Lefrançois
Philippe Bihouix, ressources et low-tech : comment repenser l’habitat dans un monde fini
Introduction : l’habitat comme miroir de nos limites
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Construire un bâtiment exemplaire – en pisé, paille, matériaux de réemploi – est possible.
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Mais la vraie question, selon Philippe Bihouix, est : comment généraliser ces pratiques ?
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Derrière l’innovation se cache un paradoxe :
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L’efficacité technique ne réduit pas forcément l’empreinte globale.
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Chaque progrès entraîne souvent une augmentation des usages → l’“effet rebond”.
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Pour 2050, la ville ressemblera surtout à celle d’aujourd’hui, mais transformée.
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France : 3 millions de logements vacants
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8 millions de logements sous-occupés
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→ un “terrain de jeu phénoménal” pour réutiliser l’existant plutôt que construire à outrance.
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Philippe Bihouix : parcours et engagement
Un ingénieur devenu penseur des ressources
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Formation et carrière dans l’ingénierie, le conseil, l’aéronautique, la chimie, l’énergie.
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Fibre écologique dès les années 1990, sans militantisme.
Lectures déterminantes
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François Partant et Gilbert Rist : critique du développement.
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Nicholas Georgescu-Roegen : entropie et logique des stocks non renouvelables.
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Chaque objet fabriqué aujourd’hui est un prélèvement sur l’avenir.
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Exemple : un smartphone = autant de métaux rares qu’un équipement médical sophistiqué.
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Des livres pour partager et alerter
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L’Âge des low-tech (2014) : vers une civilisation techniquement soutenable.
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La Ville stationnaire (2020) : repenser l’étalement urbain et la densité.
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Ressources, un défi pour l’humanité (2023, en BD) : rendre ces enjeux accessibles.
Les ressources mobilisées par le secteur de la construction
Poids colossal de la construction
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Extraction mondiale : 100 milliards de tonnes/an.
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Dont 50 milliards de tonnes de minéraux non métalliques (sable, granulats, calcaire, argiles).
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Presque exclusivement pour la construction et les infrastructures.
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Autres ressources utilisées
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Énergie fossile : bitume, asphalte, dérivés pétroliers.
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Biomasse : paille, chanvre, laine, bois.
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Métaux :
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50 % de l’acier mondial pour la construction
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20 % de l’aluminium
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Câbles de cuivre, zinc, nickel, etc.
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Plastiques : 25 % de la production mondiale absorbée par le bâtiment (fenêtres, canalisations, isolants).
En France
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45 % de l’énergie consommée par le bâtiment.
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25 % des émissions de CO2 liées à l’énergie et aux matériaux.
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Un “poids lourd” économique et écologique.
Les signaux d’alerte sur les ressources
Pas de limite absolue, mais des impacts croissants
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Théoriquement, on pourrait toujours extraire plus profondément ou plus loin.
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Mais les impacts environnementaux deviennent colossaux :
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Plus d’énergie nécessaire (souvent fossile).
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Déforestation, perte de biodiversité, destruction des écosystèmes.
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Résidus miniers toxiques polluant nappes et sols pendant des siècles.
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Une dynamique exponentielle
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Croissance de l’extraction : +2 à +5 %/an.
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Les volumes doublent ou triplent tous les 15 à 25 ans.
Des tensions géopolitiques
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Ressources mal réparties : cuivre, terres rares, métaux stratégiques.
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Dépendance aux chaînes mondiales complexes.
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Enjeu de souveraineté et de résilience face aux crises.
Smart City, ville durable et effet rebond
L’illusion de la Smart City
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Années 2010 : fascination pour la Smart City.
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Objectif initial : efficacité et économies de gestion.
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Puis promesse écologique : neutralité carbone grâce aux capteurs, data et IA.
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Constat : promesse non tenue → gains marginaux, dépendance aux technologies.
L’effet rebond
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Chaque gain d’efficacité entraîne une augmentation des usages.
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Exemples :
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Machine à vapeur du XIXe siècle → moins de charbon/unité mais diffusion massive.
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Numérique actuel → coût énergétique unitaire faible, mais explosion des données et des calculs (IA).
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Dans la mobilité : transports plus efficaces → incitation à habiter plus loin.
Nouvelles tendances urbaines
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Moins de fascination techno.
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Plus de discours sur :
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Ville inclusive
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Ville résiliente
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Ville végétale
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Mais le cœur de la production reste béton, acier, verre.
Ville dense ou habitat autonome : faux dilemme ?
Deux modèles souvent opposés
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Ville dense, mutualisée, connectée
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Moins d’étalement, meilleure efficacité énergétique.
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Habitat autonome et dispersé
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Production locale de ressources, autosuffisance énergétique.
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Limites des visions idéales
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Historiquement : utopies urbaines (Platon, The Line en Arabie Saoudite).
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Réalité : la ville de 2050 sera surtout celle d’aujourd’hui transformée.
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Impossible de raser et reconstruire : il faut travailler sur l’existant.
Le potentiel du parc existant
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3 millions de logements vacants.
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8 millions sous-occupés.
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Leviers possibles :
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Réhabilitation
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Surélévation douce
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Densification fine
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Habitat intergénérationnel ou partagé
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Recohabitation dans les grandes maisons sous-occupées.
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Matériaux biosourcés et géosourcés : quelle capacité réelle ?
Intérêt des matériaux naturels
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Matériaux biosourcés : paille, chanvre, bois.
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Géosourcés : terre crue, pierre.
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Avantages :
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Renouvelables (pour certains)
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Faible impact carbone
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Réversibles (terre crue).
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Mais des contraintes de généralisation
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Le bois :
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Peut remplacer une partie du béton/acier en superstructure.
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Mais ressource limitée → forêts fragilisées par le changement climatique.
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La paille :
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Potentiel fort, filières locales possibles.
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Limité à certains types de bâtiments (maison, petit collectif).
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La terre crue :
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Gisement énorme, mais mise en œuvre peu industrialisable.
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Plus de main-d’œuvre, savoir-faire spécifique.
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Conclusion de Bihouix
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On peut massifier si l’on construit moins, et si l’on privilégie réhabilitation + bio/géosourcés.
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Retour à une logique territoriale et locale, proche du XIXe siècle.
Recyclage, réemploi et circularité : quelles limites ?
Un gisement massif
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En France :
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45 Mt/an de déchets du bâtiment
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200 Mt/an avec les travaux publics.
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Progrès en cours
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Filières émergentes :
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Granulats recyclés
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Plâtre de déconstruction
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Verre plat (nouvelle filière grâce à la réglementation).
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Réemploi du bois, métaux (acier, cuivre, aluminium).
Mais des contraintes fortes
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Pas de circularité parfaite :
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Stock de bâtiments en croissance → besoin d’apports neufs.
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Mélanges de matériaux → recyclage dégradé (downcycling).
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Exemples :
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Aluminium = alliages difficiles à séparer.
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PVC = recyclage limité.
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Bois exposé aux intempéries = moins réutilisable.
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Conclusion
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Le recyclage est nécessaire mais restera marginal sans réduction de la construction neuve.
Vers un habitat low-tech ?
Low-tech = sobriété choisie
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Ventilation naturelle plutôt que VMC systématique.
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Confort thermique par l’inertie et les matériaux, pas par la domotique.
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Chauffage ciblé sur les corps plutôt que sur les pièces.
Habitat comme terrain privilégié
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Low-tech adapté au logement :
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Peu d’enjeux vitaux comparé à la médecine ou aux transports lourds.
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Expérimentations possibles (ex. Quentin Chatel-Péron).
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Technologies sobres = opportunité de réduire ressources et énergie sans perte de confort.
La maison idéale selon Philippe Bihouix
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Pas de modèle unique : besoins évoluent avec les parcours de vie.
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Exemple : jeunes enfants → besoin d’espace et de jardin ; retraités → envie de centre-ville et proximité des services.
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Plutôt que de rêver à une maison “idéale”, il faut penser :
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Fluidité résidentielle (changer de logement selon les étapes de vie).
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Partage des espaces (habitat intergénérationnel, buanderies communes, pièces mutualisées).
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Sobriété énergétique et matérielle.
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Conclusion : habiter dans les limites planétaires
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Trois leviers majeurs selon Philippe Bihouix :
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Construire moins : mobiliser vacants et sous-occupés.
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Construire mieux : matériaux bio/géosourcés, low-tech.
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Habiter autrement : partage, densification douce, sobriété culturelle (chauffage, normes de confort).
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L’habitat est un “terrain de jeu phénoménal” pour expérimenter la transition low-tech.
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Plus que la technologie, c’est un changement de culture et de pratiques qui permettra de loger durablement 10 milliards d’humains sur une planète aux ressources limitées.
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