Cette semaine je vous présente une nouvelle étude de cas à travers la rénovation d’une maison de ville : une échoppe bordelaise.
Rénover une maison de ville est un projet passionnant. Même si le cadre et le contexte fixent certaines choses, nous avons toujours la possibilité de faire des améliorations pour transformer la maison existante en la maison de nos rêves.
Mais c’est aussi un challenge ! Car les contraintes sont bien présentes. Il faut donc apprendre à les identifier pour les maîtriser.
Comment diagnostiquer les avantages et les inconvénients de l’existant ? Quoi faire pour corriger les défauts et tirer pleinement partie des atouts ?
On suit pas à pas les étapes de la rénovation pour comprendre les enjeux, la prise de décision, et appliquer cela sur votre propre projet.
Dans cette étude de cas on s’intéresse donc à la rénovation d’une « échoppe » bordelaise, maison de ville typique à Bordeaux.
Si vous n’êtes pas Bordelais vous n’êtes peut-être pas familier avec ce terme d’échoppe. Je vais vous l’expliquer juste après. Mais lisez quand même cet article. Car j’aborde les différentes étapes de la rénovation : diagnostic de l’existant, amélioration énergétique, choix des matériaux, aménagement de l’espace, optimisation du confort, etc… Vous trouverez sans doute une ressource utile pour votre cas personnel.
L’échoppe bordelaise : la maison idéale pour une rénovation
A Bordeaux, l’échoppe a la cote. Il y en aurait 10 000 dans l’agglomération. Et elles se vendent très bien.
Pourquoi ?
Pour plusieurs raisons.
L’échoppe est d’abord une maison de ville, donc les gens apprécient tout simplement sa proximité au centre-ville. Si vous allez à Bordeaux vous en verrez forcément !
Ensuite c’est une maison qui a du caractère. La façade sur rue est en pierre, avec généralement quelques ornements décoratifs. Même si aujourd’hui certaines sont noircies par la pollution (la pierre de Bordeaux est assez poreuse, elle fixe donc facilement les particules), elles restent belles. Et un ravalement* de qualité permet de restaurer la beauté des pierres.
Deux échoppes bordelaises côte-à-côte (© Creative commons)
*il existe plusieurs techniques de ravalement. Celle qui respecte le plus la pierre consiste à réaliser les étapes suivantes :
- nettoyage léger en moyenne pression pour enlever le gros de la saleté
- nettoyage à l’aérogommeuse de toute la façade
- décaissage des pierres endommagées et remplacement par des pierres de Brétignac ou de Frontenac, scellées au mortier et coulis de chaux
- déjointage des joints de parement puis regarnissage au mortier de chaux ton pierre
- réalisation d’une détrempe à la chaux
Pour la façade d’une échoppe simple avec deux niveaux (soit 36 m² de façade), il faut compter environ 5000 € HT.
À l’intérieur il y a bien souvent un escalier en pierre, du parquet en pin ou en chêne à l’étage et des carreaux de ciment dans l’entrée. Parfois il faut enlever les couches successives ajoutées par les précédents occupants, mais si l’on cherche un peu on trouve ces matériaux de qualité !
Une entrée typique d’une échoppe avec ses carreaux de ciment, son escalier en pierre et le parquet en bois à l’étage (© La Case Robinson)
L’échoppe dispose aussi d’un jardin à l’arrière (ou au moins d’une cour), autre point fort compte tenu de sa localisation en centre-ville.
Tissu d’échoppes typique de Bordeaux
Un autre avantage est sa surface. Les échoppes font entre 60 et 120 m² pour la plupart (selon qu’elle est « simple » ou « double »). Donc même si le prix de l’immobilier ne cesse d’augmenter à Bordeaux, l’échoppe reste un investissement « possible » qui peut plaire aussi bien à un couple qu’à une famille.
Enfin, son architecture d’origine se prête bien à la restructuration (partielle ou lourde) pour réaménager les espaces selon vos goûts. Notamment si vous avez le goût de faire un agrandissement ou une réorganisation complète des pièces.
Comment gagner en surface dans une échoppe ?
Depuis que je suis à Bordeaux je me suis beaucoup intéressé aux échoppes.
Et encore plus quand j’en ai cherché une pour y habiter. Ce qui est amusant avec une échoppe c’est d’imaginer comment la transformer pour la remettre au goût du jour.
Car il faut bien l’avouer, beaucoup d’échoppes n’ont pas été rénovées depuis des décennies donc elles manquent cruellement de confort et de fonctionnalité.
Mais le potentiel est bien là !
Donc la première chose à regarder lorsqu’on entre dans une échoppe c’est l’agencement des pièces et les possibilités de restructuration (agrandissement ou ré-attribution des espaces).
Agrandir une échoppe
Les échoppes sont relativement petites (60m² pour certaines échoppes simples). Il peut être judicieux lorsque vous entreprenez des travaux d’étudier si un agrandissement est possible.
L’échoppe est déjà assez profonde (10 à 12m généralement). Donc agrandir en longueur n’est pas le mieux car on risquerait de manquer de lumière au centre de la maison. Et en plus cela empiéterait sur le jardin.
Élargir la maison n’est pas possible car la plupart des échoppes sont mitoyennes (tant mieux, c’est bon pour l’isolation thermique !).
Reste la surélévation. Cela nécessite des travaux lourds c’est certain. Mais cela vaut souvent l’effort consenti.
Car on peut gagner plusieurs dizaines de mètres carrés en ajoutant tout simplement un étage ou en surélevant des combles existants pour les rendre habitables. En effet la hauteur d’origine sous plafond à l’étage des échoppes est importante (jusqu’à 3,20 m). Donc si le faîtage dans les combles est à 1,50 m au-dessus de ce plafond, on peut imaginer créer un nouveau plancher à mi-hauteur pour faire 2 niveaux de 2,35 m de hauteur sous plafond ([3,20 m + 1,50 m] / 2). L’idéal étant plutôt 2,50 m mais jusqu’à 2,20 m c’est acceptable, notamment pour des chambres ou des salles de bains.
Belle surélévation d’une échoppe bordelaise côté rue (© Martins Architecture)
Surélévation d’une échoppe côté jardin à Bordeaux (© Martins Architecture)
Quand vous visitez une maison, vérifiez donc ces mesures pour voir si la création d’un étage est possible.
Avant d’aller plus loin il y a d’autres contraintes à avoir à l’esprit. D’abord le prix car c’est forcément un investissement important (1500 à 2000€ par m² pour une surélévation ou la création d’un nouvel étage).
Ensuite ce n’est pas toujours possible 🤨. Il est rare aujourd’hui que l’on puisse surélever côté rue, car les règles d’urbanisme sont plus strictes. En revanche il est souvent accepté de le faire côté jardin. Cela veut dire que seul un demi-étage pourra être aménagé. Ça peut représenter tout de même 20 à 40 m² de surface habitable en plus 😊 !
Réorganiser les pièces
Lorsque je visite une échoppe à rénover j’aime beaucoup commencer à imaginer le nouvel agencement des pièces.
L’échoppe d’origine est généralement composée de petites pièces : une chambre sur rue, un couloir depuis la rue pour desservir la chambre et le salon / cuisine côté jardin. Avec parfois une pièce centrale qui fait office de chambre, de bureau, ou de salle d’eau / WC (mais sans lumière directe). À l’étage, il y a 1 ou 2 chambres et une salle de bains. Côté jardin il peut y avoir une véranda dans la continuité du salon.
Plan d’origine d’une échoppe bordelaise (© Creative commons)
La première chose que l’on veut faire est alors de retrouver une sensation d’espace et de volume. Pour cela il faut limiter les circulations « fermées » (les couloirs), pour fluidifier l’ensemble et chercher à « ouvrir » les pièces. La cuisine peut être décloisonnée pour se fondre dans l’espace de vie par exemple. La pièce centrale ou la chambre peuvent recevoir une cloison vitrée pour apporter de la transparence, des vues, et de la lumière (voir l’article sur la construction d’une verrière atelier ici). Car c’est ce qui frappe le plus au début lorsqu’on visite de « vieilles » échoppes. C’est sombre !!
Une échoppe lumineuse, ça existe 😉 !
Les échoppes sont profondes on l’a dit. Étant insérées dans des petites parcelles urbaines elles n’ont pas non plus accès à beaucoup de ciel du fait des masques environnants.
Elles sont donc naturellement sombres.
Mais il est possible de les rendre plus lumineuses. D’abord en travaillant sur des choix de revêtements intérieurs clairs.
Ensuite en ouvrant au maximum les espaces : par des verrières, des puits de lumières, et des façades largement vitrées (côté jardin uniquement car côté rue les règles d’urbanisme ne laissent pas beaucoup de liberté).
La véranda peut par exemple être intégrée au salon pour en faire un vrai espace de vie. Le mur séparatif disparaît ce qui fait entrer la lumière plus intensément et plus profondément dans la maison. Il faut dans ce cas prévoir de changer la véranda existante pour un double-vitrage peu émissif à isolation renforcée.
Création d’une ouverture entre la maison et la véranda pour l’extension du salon (© La Case Robinson)
La véranda une fois transformée en salon (© La Case Robinson)
Certaines échoppes sont ainsi quasi intégralement vitrées côté jardin. C’est très beau, et très lumineux !
Réduire les besoins de chauffage d’une échoppe à zéro (ou presque)
L’échoppe bordelaise est par nature compacte, mitoyenne, et donc plutôt économe en chauffage.
Mais une toiture non isolée reste une passoire thermique. Donc il faut prévoir quelques améliorations pour atteindre de très faibles besoins.
Le plus courant et le plus simple est d’isoler les combles avec au moins 30 cm d’ouate de cellulose soufflée (comptez environ 50 € /m² pour une intervention complète, avant déduction des aides et crédits d’impôt qui peuvent alléger la facture de 30%).
La façade côté rue peut être doublée par l’intérieur avec un isolant de 12 cm (ou plus si vous le pouvez mais cela empiétera d’autant sur la surface habitable). Par exemple un isolant biosourcé type laine de lin/chanvre/coton (Biofib trio) ou un isolant à base de fibres recyclées (Métisse Le Relais).
Côté jardin une isolation par l’extérieur est possible car les façades sont rarement classées de ce côté-ci, ni visibles depuis l’espace public. Par exemple une fibre de bois avec un bardage bois ou un enduit respirant (pour préserver la pierre derrière).
Les murs mitoyens n’ont pas besoin d’être isolés car on suppose que les voisins chauffent aussi leur maison et que donc ces murs ne sont pas déperditifs.
Un conseil : pour connaître le niveau d’isolation de votre toiture vous pouvez consulter la thermographie aérienne mise en place par Bordeaux métropole. D’autres villes comme Bordeaux ont réalisé ce type de mesures, renseignez-vous auprès de votre espace info énergie.
Thermographie aérienne du quartier d’échoppes montré plus haut (en rouge les plus fortes déperditions, en bleu les plus faibles). Beaucoup de toitures sont insuffisamment isolées (jaune à rouge).
Une autre action s’impose pour améliorer la performance thermique de votre échoppe. Il s’agit de rénover la porte d’entrée. Les portes d’entrée des échoppes sont belles. Elles sont souvent immenses (jusqu’à 4 m de haut !) et en bois massif. Mais avec les années, le bois a travaillé et elles ne sont bien souvent plus étanches. De l’air passe sur les côtés, au-dessus et en-dessous, ce qui détériore grandement l’isolation thermique de la maison.
Alors au lieu de la remplacer par une toute neuve (ce qui est possible et efficace), vous pouvez la rénover. Il s’agit de corriger les déformations du bois et d’ajouter une plinthe automatique isolante au niveau du seuil. Lorsqu’on actionne la serrure, le joint de compression rétractable de la plinthe descend en butée contre le sol et assure ainsi l’étanchéité. Sur les côtés un joint « spécial menuiserie » joue le même rôle. Et vous améliorerez aussi en même temps l’isolation acoustique vis-à-vis de la rue.
Porte typique des échoppes bordelaises (© La Case Robinson), ici rénovée (avant peinture)
Une alternative que l’on voit encore beaucoup est d’installer un rideau épais à l’extérieur pour « casser » les courants d’air et améliorer (un peu) l’isolation thermique de la porte d’origine.
Une échoppe fraîchement ravalée et sa porte (avec le rideau pour améliorer l’isolation !)
Pour le chauffage (certains jours d’hiver il faudra quand même se chauffer !), j’ai vu plusieurs options intéressantes :
- Poêle à granulés de bois : installé dans le salon, idéalement au centre de la maison il peut chauffer toute la maison. La chaleur monte, donc elle va également chauffer l’étage (si la trémie d’escalier n’est pas trop loin du poêle). Ma solution préférée car elle donne en plus une ambiance très appréciable et il n’est pas très compliqué de s’approvisionner en granulés (comptez 1 sac de 20 kg par 24/48 heures selon la période).
- Panneaux solaires thermiques reliés à une pompe à chaleur et une ventilation double-flux. Cela paraît très technique dit comme ça mais c’est finalement assez simple à mettre en place si vous faîtes de gros travaux (car il faut prévoir le passage des gaines).
- Panneaux solaires photovoltaïques : ils ne chauffent pas directement votre maison mais ils produisent de l’électricité ce qui allège votre facture. Une installation de 3 kWc (soit 10 panneaux pour une surface totale de 20 m²) produit environ 3 500 kWh/an ce qui peut compenser l’équivalent de votre consommation de chauffage. L’investissement initial est d’environ 8 000 € TTC, qu’il est possible d’amortir sur une dizaine d’années.
Quels matériaux privilégier dans la rénovation d’une échoppe ?
L’échoppe bordelaise a historiquement des revêtements de sols de qualité : carreaux de ciment dans l’entrée, parquets à l’étage, pierre. Donc la première chose que l’on peut faire est de chercher à restaurer ceux-ci.
Pour le reste le choix est large, tout dépendra du type de rénovation que vous allez effectuer (lourde ou légère).
Voici tout de même ma sélection :
- Cloisons / doublages : panneaux de Fermacell plutôt que le classique BA 13 placo. Le Fermacell est plus solide, plus écologique et à une meilleure inertie et isolation phonique.
- Sols : conservez le parquet existant à l’étage (que vous pouvez poncer car il est en massif). Un sol clair au RDC pour favoriser la pénétration de la lumière (parquet blanchi, béton ciré, carrelage).
- Murs en pierre : le mieux est de les rénover en respectant la respiration de la pierre (pas de ciment !), donc avec des joints à la chaux ou des enduits chaux / chanvre si vous devez les recouvrir.
Si vous faîtes une rénovation légère sans reprendre la structure du plancher de l’étage, une solution intéressante si vous avez besoin de mettre un nouveau revêtement de sol est le liège. Il est résistant à l’eau (donc compatible pour une salle de bain), ne fait que 7 mm d’épaisseur (contre au moins 10 mm pour un parquet) et est donc plus léger. Il a aussi une bonne isolation phonique et est amortissant (confort de marche).
Revêtement de sol en liège (© Amorim Wise)
Quels enseignements en tirer pour votre projet ?
S’inspirer de projets de rénovation donne des idées pour son propre projet.
Quand je dois réfléchir à un nouveau projet je me pose les questions suivantes :
Quelle(s) action(s) peut-on faire pour :
- rendre la maison plus habitable : réorganisation spatiale, agrandissement, meilleure circulation et accès.
- plus lumineuse : trouver des sources de lumière, choisir des revêtements clairs pour améliorer le confort visuel.
- et plus confortable : gérer les variations de températures saisonnières (isolation, protections solaires, matériaux à forte inertie).
- réduire la facture de chauffage : isoler la toiture (priorité), changer le système de chauffage, les fenêtres.
- avoir une maison plus saine : ajouter une ventilation, choisir des matériaux sains, assainir les murs pour chasser l’humidité (les laisser respirer !).
- réduire l’empreinte écologique : choisir des matériaux locaux, renouvelables. Réutiliser certains matériaux déjà présent ou issus de la démolition. Des briques peuvent par exemple être mise en parement intérieur d’un mur pour apporter de l’inertie et améliorer ainsi le confort en hiver et en été (diffusion douce de la chaleur et de la fraîcheur).
Voilà, si vous avez des questions par rapport à votre projet, posez-les en commentaires ou envoyez-moi un message via la rubrique Contact 🤗.
Pour aller plus loin
Si vous n’êtes pas encore abonné-e à La Case Robinson et que vous avez le goût de recevoir des conseils et astuces pour réaliser la maison de vos rêves, vous pouvez le faire simplement en indiquant votre email dans un des formulaires du site.
Je vous enverrai les découvertes que j’expérimente au quotidien.
Et si vous êtes sur instagram, La Case Robinson y est aussi : @lacaserobinson.
Ressources
Voici quelques articles du Blog pour poursuivre la lecture :
- Les aides à la rénovation : comment économiser des milliers d’euros sur vos travaux ?
- Lumière naturelle : comment en avoir plus (et améliorer notre vie) ?
- Placo : comment faire autrement (et mieux) ?
Et des livres que je vous recommande :
- La rénovation écologique : chez Decitre, ou chez Amazon. Bien utile pour apprendre les principes à respecter (matériaux, priorités, composition des parois, etc…). Et il y a des études de cas détaillées à la fin (une bonne dizaine). Un classique de ma bibliothèque !
- L’échoppe de Bordeaux : ici, ou là. L’histoire de l’échoppe bordelaise, son architecture, ses usages. Pour les bordelais qui veulent se lancer 😉.
Bonjour,
J’ai acheté une échoppe bordelaise il y a peu et nous sommes partis sur une isolation intérieure des murs non mitoyens avec laine de verre et ba13.
Mais la plupart de ces murs sont en pierre et j’ai peur du mauvais flux de l’humidité à travers la pierre et qu’elle soit emprisonnée dans l’isolant ( même si j’ai lu que la laine de verre n’était pas étanche).
Que me conseillez-vous ? J’ai vu qu’on pouvait faire des « entrées d’air » dans le placo !?
Merci à vous, votre site m’a été d’une grande utilité (notamment pour reprendre un mur intérieur en pierre…)
Pour ce type de mur je recommande plutôt un isolant biosourcé (type Biofib Trio par exemple) avec une membrane frein-vapeur hygrovariable et une plaque de Fermacell. Néanmoins, au-delà de la question « écologique », votre composition est possible à condition d’ajouter un frein-vapeur entre la plaque et l’isolant. L’important est effectivement d’empêcher la vapeur d’eau de migrer à travers l’isolant pour qu’elle ne condense pas au contact du mur en pierre froid. La mise en oeuvre (soignée ;)) d’un frein-vapeur est donc nécessaire.