Construire une maison en terre crue

Quand on cherche des matériaux alternatifs au béton pour la construction d’une maison on pense souvent au bois ou éventuellement à la paille. Et c’est logique, ces matériaux possèdent de très bonnes caractéristiques pour édifier une maison. Il existe aussi un autre matériau très intéressant que l’on peut utiliser pour la construction d’habitations et de petits bâtiments. Ce matériau ancestral est méconnu aujourd’hui : c’est la terre crue ! Alors comment construire une maison en terre crue ?

Quelles sont les techniques de mise en oeuvre ? Peut-on utiliser la terre crue pour une rénovation ou une réhabilitation ? Quelles sont les avantages et les inconvénients de la terre crue ?

C’est ce que je vous propose de découvrir dans cet article pour mieux comprendre la richesse de ce matériau et l’intérêt d’utiliser la terre crue aujourd’hui. J’ai pris beaucoup de plaisir à préparer cet article, j’espère qu’il vous plaira !

Pourquoi la terre doit remplacer le béton

Le siècle du béton

Le 20ème siècle aura été le siècle du béton. Depuis la découverte du ciment « moderne »* au 19ème siècle, le béton n’aura en effet cessé d’être utilisé dans la construction moderne. Est-ce que ce sera le cas également pour le 21ème siècle ? Si l’on regarde les deux premières décennies écoulées c’est en tout cas bien parti pour.

*car le ciment « ancien », connu aujourd’hui sous l’appellation de « mortier de chaux » existe depuis l’Antiquité.

Mais il serait préférable que ça change, car le béton a un impact majeur sur l’environnement. Son utilisation quasi systématique aujourd’hui dans la construction n’est pas soutenable à l’échelle de la planète. La fabrication du ciment est en effet une des industries les plus polluantes. Elle est très énergivore et est responsable à elle seule de 6% des émissions de gaz à effet de serre (car il faut chauffer les matières premières à 1 450 °C au moins pour obtenir le clinker puis le ciment). C’est donc 3 fois plus d’émissions que celles du transport aérien mondial (2%).  

En outre, pour obtenir du béton il faut mélanger le ciment avec du sable, des graviers et de l’eau. Ces ressources ne sont pas illimitées sur la planète. Le sable notamment est une ressource sensible. C’est aujourd’hui la 2ème ressource la plus utilisée au monde après l’eau ! Son exploitation engendre des désordres sur la topographie des cours d’eau et sur la biodiversité. Et aujourd’hui on ne sait pas recycler le béton autrement qu’en remblai d’autoroutes (qui elles-même sont extrêmement consommatrices de ressources comme le sable par exemple…).

Le béton n’est pas indispensable partout

Je vais être honnête, malgré ces défauts, le béton est un formidable matériau de construction. Ses propriétés permettent de réaliser des ouvrages exceptionnels qu’il serait impossible de construire autrement aujourd’hui (ponts, viaduc, immeubles de très grandes tailles, grands volumes, tunnels). Il ne s’agit donc pas d’abandonner le béton. Le problème c’est plutôt qu’on utilise le béton dans quasiment toutes les constructions actuelles. Que ce soit pour un viaduc de plusieurs kilomètres à près de 300 m au-dessus du sol (le viaduc de Millau) ou pour une maison de quelques dizaines de mètres carrés !

C’est comme mettre un moteur de 2 CV dans un châssis de voiture de sport. C’est inutile car la voiture ne pourra jamais aller assez vite pour solliciter le châssis à la hauteur de ses qualités ! C’est donc une dépense absurde d’énergie et de matière.

Le béton est un matériau aux propriétés exceptionnelles et doit donc être réservé pour des ouvrages exceptionnels.  

À l’inverse, les matériaux comme le bois*, la paille et la terre sont adaptés majoritairement aux « petites » constructions. Alors remplaçons le béton par la terre, le bois ou la paille dans nos maisons !

*certaines techniques de construction permettent aujourd’hui de réaliser des immeubles de plusieurs étages en structure bois (plus de 50 m). Tant mieux, cela fait moins de béton à produire. 

Qu’est-ce que la terre crue ?

Le matériau terre utilisé dans la construction se compose de grains de tailles diverses et d’argiles (les grains les plus fins). Les argiles jouent le rôle de liant pour tenir les grains plus gros entre eux au contact de l’eau. Après séchage, cette cohésion fait que l’ensemble se tient naturellement. On parle de terre « crue » en opposition à la terre « cuite » utilisée pour la poterie, les tuiles, les carreaux, les briques (qui nécessitent de chauffer la matière première). 

On utilise la terre crue dans la construction depuis des siècles. En témoigne par exemple la fabuleuse ville de Shibam au Yémen, surnommée la « Manhattan du désert ». Elle est construite intégralement en terre crue (les bâtiments les plus anciens datent du 16ème siècle).  

Shibam, la ville construite en terre crue

Shibam au Yémen, une ville construite en terre crue

En France, on retrouve historiquement la terre crue dans les maisons à colombages notamment.

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Des maisons à colombage à Provins

Des maisons à colombage en Seine-et-Marne

Les différentes techniques pour construire une maison en terre crue

La terre crue est une matière première aux multiples applications. On peut l’utiliser en tant que matériau de construction porteur, ou en matériau de remplissage ou encore en tant que matériau de finition.

Maison construite en terre crue

Maison construite en terre crue (©Thomas Ott)

Techniques de construction porteuses en terre crue

Il est tout à fait possible d’utiliser la terre crue comme matériau de construction pour des éléments structurels du bâti. Pour cela il existe 3 techniques distinctes : la bauge, le pisé et la terre coulée. Dans tous les cas, les murs ainsi constitués feront au minimum 30 cm d’épaisseur.

La bauge

La bauge est une technique qui consiste à entasser des blocs de terre crue (ou « mottes ») mélangée avec des fibres végétales (paille de blé par exemple). En empilant ces mottes les unes sur les autres, on construit progressivement un mur porteur. Une fois qu’une portion de 80 cm est réalisée, il faut tasser la terre et attendre le séchage du mur avant de poursuivre pour éviter qu’il ne s’affaisse sous son propre poids. On monte donc généralement le mur en colimaçon pour travailler à un endroit pendant qu’un autre sèche. C’est une technique robuste et nécessitant peu d’outils (mais beaucoup de bras 💪!).

Mur édifié en bauge

Maison du parc naturel régional des marais du Cotentin (© François Streif)

Le pisé

Le pisé est une technique différente de par la nature de la terre utilisée et par sa mise en oeuvre. La terre est ici argilo-graveleuse et légèrement humide. C’est donc un mélange d’argile et de petits graviers, sans ajout de fibres végétales. On remplit des coffrages de cette terre puis on compacte l’ensemble pour élever des murs allant jusqu’à 3 m de haut avant séchage. 

Bâtiment construit selon la méthode du pisé

Bâtiment construit selon la méthode du pisé (©Timur Ersen)

La terre coulée

La terre coulée est une technique récente qui s’apparente à celle utilisée pour couler le béton. Ici le mélange de terre et de graviers est beaucoup plus humide que dans le cas du pisé. L’objectif de cette méthode est de chercher à mobiliser les mêmes engins et compétences que celle du béton traditionnel.

J’y vois un intérêt car cela permet de convertir plus facilement des maçons à travailler la terre et sortir du 100% béton (car seule la matière première change, pas la technique). La mécanisation du process permet aussi de gagner en rapidité d’exécution et de réduire la pénibilité de la mise en oeuvre. Une fois la terre coulée dans le coffrage, on ajoute un peu de ciment (un tout petit peu !) pour favoriser la prise du mélange et son séchage (enfermée dans le coffrage l’eau ne pourrait en effet pas s’évaporer). Une fois sec, on peut alors décoffrer le mur qui prend alors un aspect proche du béton.

Les briques de terre crue

La terre crue est également employée pour fabriquer des briques de petites tailles. Ces briques sont appelées « adobe » ou « briques de terre comprimée ». Elles se composent de terre fine sablo-argileuse à laquelle on peut ajouter un peu de fibres végétales pour améliorer leur résistance à la flexion. Les briques sont obtenues par moulage dans des moules en bois ou éventuellement par façonnage à la main. Elles servent ensuite à l’élévation d’un mur à l’aide d’un mortier de terre. La technique est donc la même que pour un mur en parpaing de béton ou en briques cuites. 

Briques de terre crue "adobes"

Briques de terre crue (« adobes »)

Techniques de remplissage non porteuses

Ces méthodes d’utilisation de la terre crue ne sont pas porteuses. Elles s’appliquent sur un support porteur, généralement conçu en bois. 

Le torchis

Le torchis est un mélange de terre argileuse et de fibres végétales que l’on utilise à l’état visqueux. Il s’applique sur le support pour remplir les interstices entre l’ossature de la structure porteuse. On peut le mettre en oeuvre sur les murs, cloisons, mais aussi les planchers et les voûtes. Le torchis est très utilisé depuis des centaines d’années. 

Mur en torchis

Mur en torchis

La terre allégée

La terre allégée est un matériau d’isolation thermique et phonique. Il se compose d’une terre liquide (appelée « barbotine ») mélangée à des fibres en grande quantité. Il est appliqué en coffrage ou est projeté directement sur une matrice support. Un enduit intérieur et extérieur vient après le séchage recouvrir la terre allégée pour la protéger des sollicitations. Notons tout de même que le séchage complet à l’air libre peut prendre plusieurs mois car la matière est très humide au départ.

Les enduits de terre

Les enduits sont une façon d’utiliser la terre crue en tant qu’élément de finition. Elle est très répandue aujourd’hui dans l’habitat. Les enduits se composent d’une terre argileuse et fine éventuellement mélangée à des fibres (trame de lin par exemple) et du sable. Les enduits sont mis en oeuvre à la truelle, à la lisseuse ou par projection. À l’extérieur on ajoutera de la chaux pour améliorer la tenue de l’enduit et le protéger des intempéries. À l’intérieur, des adjuvants naturels comme la caséine ou l’huile de lin amélioreront la résistance de l’enduit aux frottements et à l’abrasion. Notons que des préparations d’enduits de terre prêtes à l’emploi sont commercialisées. 

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Avantages et inconvénients de la terre crue

Une ressource locale et abondante

Le premier avantage de la terre crue est sa grande disponibilité sur l’ensemble de la planète. La matière première, la terre, est en effet présente partout et en grande quantité. Il n’est pas rare que la terre utilisée sur un chantier soit directement prélevée sur le site (par exemple la terre excavée pour les fondations et la préparation du terrain). En outre, le besoin en main d’oeuvre que nécessite l’utilisation de la terre crue favorise l’emploi local. C’est aussi une matière première très bon marché (souvent gratuite si elle est prise sur le terrain).

La terre crue, un matériau écologique

L’utilisation de la terre crue à l’état pur sans transformation (si ce n’est l’ajout de fibres végétales et de graviers dans certains cas) en fait un matériau 100% recyclable. En cas de démolition d’un mur en terre, celui-ci peut être réparti sur le terrain ou réutilisé pour construire un nouveau mur. 

C’est donc un matériau particulièrement intéressant dans une démarche d’écoconstruction

Un matériau à manier avec précaution

L’utilisation de la terre crue a néanmoins 3 inconvénients. Le premier est que la terre crue est sensible à l’eau. En cas de contact avec l’eau (par remontée capillaire par exemple), la terre perd rapidement ses propriétés mécaniques et sa tenue. Il est donc nécessaire d’une part de prévoir un soubassement construit à l’aide de matériaux résistants à l’eau et d’autre part de protéger les murs des projections (de la pluie par un débord de toit, de l’humidité intérieure par de l’huile de lin par exemple). 

Le second inconvénient est lié à un de ses principaux avantages : sa simplicité. La terre crue nécessite peu de transformation et donc peu d’outils, par contre elle demande une main d’oeuvre importante. Cela peut donc être un frein dans certains cas. L’idéal ici est de proposer son projet dans le cadre d’un chantier participatif. 

Le troisième inconvénient vient du temps nécessaire au séchage de la terre crue. À l’air libre, cela peut être long (plusieurs semaines à plusieurs mois pour un séchage à cœur). Il est donc recommandé de bien anticiper le phasage du chantier et de prévoir les travaux de terre crue en été pour favoriser un séchage plus rapide. 

Les qualités hygrothermique de le terre crue

La terre crue et notamment lorsqu’elle est utilisée en enduit de finition possède de très bonnes propriétés hygrothermiques. Elle est ainsi capable réguler l’humidité et la température de la pièce. Elle participe ainsi à l’amélioration du confort thermique et hydrique de la maison. 

Une esthétique hors du commun

Enfin, la terre crue est particulièrement appréciée pour son aspect esthétique une fois mise en oeuvre. Un enduit en terre est naturellement beau, en plus d’être parfaitement sain. Il se dégage ainsi une atmosphère douce, sereine et un bien-être sans équivalent dans une maison avec des revêtements en terre crue. 

Une maison en terre crue

Réhabilitation d’une maison en terre crue (©Atelier Alp)

Comment utiliser la terre crue dans un projet de rénovation ?

Dans le contexte d’une rénovation, la façon la plus simple de recourir à la terre crue dans sa maison est sans doute de commencer par un enduit sur un mur existant. Le support doit être sain et sec (cela peut-être de la brique ou du parpaing par exemple). Cet enduit apportera immédiatement l’ambiance chaleureuse de la terre et participera au confort des occupants.  

Pour aller plus loin

Merci d’être arrivé-e jusqu’ici ! La terre crue est un matériau fascinant qui procure un bien-être et une satisfaction peu courante parmi les matériaux de construction. J’espère que cet article vous aura intéressé ! Partagez-moi vos remarques et vos expériences dans les commentaires 😉!

Pour découvrir de magnifiques architectures en terre vous pouvez lire l’ouvrage complet « Habiter la terre – L’art de bâtir en terre crue« . 

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Crédits photos vignette de l’article : ©Atelier Alp

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